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Innover dans un contexte d’incertitudes, c’est expérimenter !



Jamais il n’aura été aussi difficile de prédire l’avenir. Crise sanitaire, crise économique : comment conjurer l’une sans déclencher l’autre ? Le Covid-19 impacte d’ores et déjà la production et la consommation de biens et services sans que l’on sache si les milliards injectés dans l’économie porteront leurs fruits. Pourtant, dans ce nuage d’incertitudes, des entrepreneurs font preuve d’agilité pour se réinventer, explorer, tester et viabiliser de nouvelles opportunités de développement. Il en va de leur survie. Mais, face à de telles incertitudes économiques, comment innover ? Comment trouver des idées, les tester et les adapter ? Comment aboutir à une proposition de valeur plébiscitée ?


L’innovation dans un monde incertain : une course contre la montre


Prenons un exemple[1] : en 5 semaines seulement, une start-up a conçu, en lien étroit avec des universitaires et des médecins, un respirateur en open source avec un coût de revient de 1 000 € au lieu de 10 000 à 45 000 € pour un modèle industriel classique. Comment une telle prouesse a-t-elle été rendue possible ?

Explorer en élargissant son écosystème

En l’espace d’une soirée, ponctuée de toute une série de coups de fil, le collectif « Makers for life » est mis sur pied. Il comprend des start-up nantaises évoluant dans l’univers du numérique et des spécialistes de l’impression 3D. Très vite, des médecins réanimateurs et des universitaires sont intégrés au collectif, obtenant de l’Agence de l’innovation de défense une enveloppe de 335 000 €. Pendant ce temps-là, le collectif est soutenu par la mairie qui met à disposition des locaux, ravitaille les membres de « Makers for life » et leur fournit par coursiers les pièces nécessaires à la création du prototype.

En moins de 10 jours, Quentin Adam crée tout un écosystème pour relever ce pari complètement fou. Diabeloop, une société grenobloise spécialisée dans le traitement du diabète prend en charge la rédaction de la partie règlementaire du projet. Tronico, une entreprise vendéenne dédiée à la fabrication de cartes électroniques, dépêche un ingénieur à Nantes, suivi de 4 autres collaborateurs. Le CEA entre dans la partie et envoie au collectif une machine simulant le comportement d’un poumon. Enfin, la société Parrot, contactée par un membre du réseau, se mobilise pour obtenir d’un fournisseur chinois 2 moteurs, expédiés à Nantes dans la foulée. Un prototype de respirateur est mis au point.

Imaginer le concept, établir les ruptures

Le collectif a défini un cahier des charges : le respirateur doit coûter moins de 1 000 €, être facile à utiliser avec des fonctionnalités standards, ses spécifications doivent être dans les clous avec les exigences réglementaires, il doit être fabriqué avec des composants simples, aisément disponibles et doit pouvoir être répliqué dans le monde entier, ses plans étant mis à disposition en accès libre (open source). L’énoncé des contraintes (le problème à résoudre) s’accompagne d’une analyse de la viabilité économique (structures de coûts) et la faisabilité technique (sourcing des composants). Un fois ceci fait, il convient de mettre le concept à l’épreuve des faits.

Tester rapidement le prototype

La phase d’expérimentation, cruciale dans le process d’innovation, doit permettre non seulement de tester la pertinence du concept mais aussi et surtout d’adapter la solution aux besoins des personnels soignants et à ceux des malades du Covid-19. Le 10 avril, 3 prototypes sont livrés au CHU de Nantes et 3 autres au CHU de Brest pour être testés. Verdict : « Les machines ont été testées par les techniciens des services biomédicaux de ces hôpitaux et les retours sont excellents ». Reste maintenant à procéder à des essais cliniques sur des patients humains, ce qui devrait être fait dans les prochains jours avec l’aval des agences concernées. Le CEA et la Région Auvergne Rhône Alpes ont d’ores et déjà acheté de quoi lancer la production de 500 respirateurs. Un consortium est à l’étude pour industrialiser la fabrication.

Les facteurs clés de succès de l’innovation

Tout se passe comme si les membres du collectif avaient suivi les 3 étapes préconisées par les auteurs de « Invincible Company[2] », à savoir :

  • Découvrir : c’est la phase au cours de laquelle on identifie le besoin qui est peu ou mal couvert (dans notre exemple, le besoin de respirateurs pour les malades intubés).

  • Valider : c’est l’étape qui permet de formaliser rapidement le concept (un respirateur avec des fonctionnalités basiques, fabriqué avec des composants peu chers et très disponibles) et de s’assurer à la fois de la viabilité économique et de la faisabilité opérationnelle du projet (compétences, ressources, technologies)

  • Expérimenter : c’est le moment de tester. On teste le prototype auprès des clients, ce qui permet d’avoir un retour rapide, en situation réelle, pour valider ou non les hypothèses et apporter les améliorations en vue du passage à la phase industrielle.


Expérimenter pour mieux se réinventer

Parce que nécessité fait loi, de nombreuses entreprises vont devoir se réinventer sous la contrainte et faire preuve d’une grande agilité pour réussir dans un contexte de fortes incertitudes (VICA). Dans un temps resserré, avec la nécessité d’aller vite, toutes bousculent leurs écosystèmes pour disposer des ressources et compétences nécessaires au bon moment. Sans avoir peur d’échouer, elles soumettent leurs prototypes au jugement souverain du client. Elles en tirent les enseignements, réagissent, s’adaptent et se réorientent jusqu’à ce que l’offre soit plébiscitée par le marché.

Et vous, comment allez-vous vous réinventer dans ce contexte VICA ?

[1] Entre Nantes et Grenoble, une course contre la montre pour créer un respirateur artificiel à bas coût, Yan Gauchard, Le Monde Campus, 21 avril 2020 [2] The Invincible Company: How to Constantly Reinvent Your Organization with Inspiration From the World's Best Business Models, A. Osterwalder, Y. Pigneur et A. Smith, Strategyser, 2020.


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